Louer vs Acheter – les aspects financiers (2/2)

Si tu ne l’as pas déjà fait, je t’invite à aller lire la première partie de cet article.

Introduction

Dans le 1er article, on a comparé les aspects non-financiers du débat et constaté que les arguments de chaque camp étaient plutôt équilibrés, même si votre Serviteur est un peu biaisé côté “Location”.

Dans cet article, on va aborder le cœur du sujet et s’intéresser à toute l’analyse financière de la décision d’acheter vs louer.

Le but de cet article est de te faire prendre connaissance des plus gros facteurs de décision et de te proposer un modèle que tu pourras utiliser au quotidien si tu es confronté(e) à ce choix ardu 😉

La création de ce calculateur m’a pris des heures et si tu apprécies ce travail, n’hésite pas à t’abonner à ma newsletter, c’est le meilleur moyen de me remercier!

WARNING: L’article est détaillé mais surtout long. Prends un paquet de biscuits un fruit (bonnes résolutions obligent ;)), un chaï latte et c’est parti!

 
 

Comment fonctionne le modèle?

L’idée derrière cette modélisation est assez simple: je cherche à comparer la décision d’acheter un bien immobilier avec celle de louer ce même bien (ou un bien comparable).

On compare donc un propriétaire qui investit CHF XXXk dans son logement ainsi que tout cash flow incrémental (s’il y a une économie de loyer) AVEC un locataire qui investirait cette même somme de CHF XXXk dans les marchés financiers. Naturellement, s’il a un cash flow incrémental (loyer moins cher que propriétaire), il l’investit également.

À la fin de la période souhaitée (pour moi ce sera 25ans), on regarde simplement qui a accumulé le plus de fortune pour savoir quelle option est la plus rentable.

Afin de rendre l’article plus digeste, je te propose de considérer le bien immobilier que j’ai failli acheter en septembre 2020 et de passer en revue les différentes étapes du calculateur. Tu trouveras le calculateur ici, n’hésite pas à en faire une copie 😉

 
Je te conseille d'ouvrir le lien de ma GSheet pour suivre les différentes étapes au fil de l'article. Tu trouveras différents onglets servant de base de calcul pour l'onglet dashboard.

Le scénario propriétaire

Fonds propres

Tout d’abord, il faut savoir le prix d’achat et le niveau de fonds propres dont on a besoin. Dans mon cas, CHF 610’000 et 20% de fonds propres. L’emprunt est donc de CHF 488’000 (=80%).

Augmentation de la valeur du bien immobilier

Pour la prise de valeur du bien, sur la base des statistiques de la Confédération, je pars du principe que l’appréciation est de +1% par année. En général, j’ai constaté lors de mes recherches que l’appréciation du bien se situe dans une fourchette de +1% à 1.5%. Etant donné la situation économique et les taux actuels, je pense que +1%/an est raisonnable. 

Intérêts hypothécaires

En ce qui concerne la dette hypothécaire, j’ai distingué 3 périodes: les 5 premières années, à partir de la 6ème et à partir de la 10ème jusqu’à l’infini. Pour les taux, je me suis basé sur l’offre qui m’a été faite pour le bien que j’allais potentiellement acheter en septembre dernier (taux à 10ans)

En ce qui concerne le taux après les 10 premières années, je m’en remets à mon expertise toute relative et à mon flair infaillible, soit un taux de 4% sorti complètement arbitrairement (cela me paraît raisonnable pour le long terme).

Taux marginal d’imposition

Le taux marginal est un facteur important dans le calcul, il va nous permettre de prendre en compte la déductibilité des frais liés au bien immobilier (intérêts, coûts d’entretien, etc…). Pour ma part mon taux s’élève à 35%.

Valeur locative

En ce qui concerne la valeur locative, j’ai choisi un proxy qui permet d’estimer la valeur du revenu fictif qui va nous être attribué. Ce montant multiplié par le taux marginal représente la charge fiscale supplémentaire liée au bien immobilier. 

Cela fait quand même plus de CHF 400.- d’impôts supplémentaires par mois dans mon exemple!

Autres coûts

Il nous faut encore entrer tous les coûts relatifs à l’immeuble qu’un propriétaire devrait assumer. Tu trouves les sources quant aux montants de ces dépenses directement dans la GSheet. Je t’ai même mis des liens d’informations pour plus de confort 😉

Coûts transactionnels

Étant donné que l’on souhaite calculer la valeur de notre fortune à la fin de la détention du bien immobilier, il faut calculer le montant net de notre bien immobilier, soit sa valeur réelle diminuée de tous les coûts transactionnels. On soustrait donc les coûts de transactions à la valeur de notre immeuble, ceux de la vente et également le tristement célèbre impôt sur les gains immobiliers.

Cette fois c’est bon, on a la valeur nette de notre bien!

Scénario Location

Il faut analyser le même bien immobilier (ou un bien similaire) à la location.

Dans mon cas, c’était facile car le promoteur mettait certains appartements en location et j’avais donc une base de comparaison quasi identique 🙂 

Dans ton cas, si tu n’as pas accès à un bien identique, tu peux trouver un bien comparable à la location sur Comparis immobilier (lien inclus dans le calculateur).

En ce qui concerne le loyer et les charges, je me suis basé sur l’annonce de l’appartement à la location du promoteur.

Le dernier point du tableau est le plus important! Il s’agit du montant que le locataire peut investir. 

Ce montant englobe les fonds propres augmentés des frais d’achat (5%) et le tout diminué des 3 loyers de caution que le locataire doit mettre en garantie. 

Eh oui, ton Serviteur s’est creusé la tête pour te proposer ce calculateur et a essayé d’être aussi précis que possible! 

En résumé, le locataire investit CHF147’400 dans le marché alors que le propriétaire investit ce montant dans son logement.

Investissements

Dans cette partie, il suffit de déterminer le taux de rendement que l’on estime plausible (5% dans mon cas). J’ai choisi un taux réaliste pour les 25 prochaines années (période d’analyse réglable dans le modèle)

Ce facteur est extrêmement important car il influence de manière directe l’effet des intérêts composés du scénario location.

Résultats

Dans ce cas précis, il vaut mieux pour moi de louer que de devenir propriétaire, comme le démontre le graphique généré automatiquement.

Comme tu le constateras, la GSheet a un peu de mal avec tous les calculs à effectuer, d'où la droite un peu gondolée 😀

Il est toutefois intéressant de voir que la réponse change selon la période d’analyse. 

Comme tu le constates, le calculateur m’indique que la solution de la location est plus rentable sur 25 ans. Il est intéressant de noter qu’acheter est mauvais sur le très court terme, c’est une stratégie perdante car on “perd” les frais d’achats.

Sur le court terme, étant donné que les taux d’intérêts sont actuellement très bas (0.8% dans mon modèle), la variante d’acheter est plus rentable. Après dix ans, les taux d’intérêts remontent et l’impact de la remontée à 4% se fait sentir. On voit que la courbe “location” change de pente car il devient bien plus avantageux de louer que d’acheter.

Sur le long terme, l’impact des intérêts composés est dévastateur et on commence à voir que la courbe “location” est exponentielle. Si tu règles la période d’analyse sur 50 ans, c’est flagrant et la stratégie “propriétaire” n’a aucune chance. 

Finalement, entre une durée de détention du bien de 3 à 18 ans, il vaut mieux être propriétaire et le reste du temps locataire.

Ce que j’ai appris avec ce modèle

Autres considérations financières

Allocation d’actifs

Être propriétaire peut représenter un danger d’un point de vue de la diversification. Il est commun que dans le but d’acheter un bien, on concentre une très grande partie de notre richesse sur le bien immobilier. On se retrouve avec une allocation d’actifs fortement investie en immobilier et plus que simplement avoir une surpondération sur le secteur immobilier, on a misé une très grosse partie de notre fortune sur une commune de Suisse, sur un tout petit bout de terrain. Pas idéal niveau diversification…

Planifier pour optimiser

Devenir propriétaire c’est également avoir l’opportunité d’avoir un peu plus de marge de manœuvre au niveau de sa charge fiscale. Il est possible de planifier ses rénovations ou ses investissements “verts” de façon stratégique afin de réduire sa charge fiscale sur plusieurs années. Pour cela, il faut toutefois prendre le temps de planifier ses investissements de manière intelligente 😉

Aspects qualitatifs

Il est possible que certains types de biens ne soient accessibles qu’aux acheteurs et non à la location, c’est notamment le cas de certains biens dans ma région. De plus, une partie des biens à l’achat sont qualitativement supérieurs à un bien comparable à la location. Parfois, si l’on souhaite habiter à un endroit précis, “le prix à payer” est de devenir propriétaire 😉

Conclusion

S’il y a une réponse à cette grande question, elle est personnelle et dépend de ta situation ainsi que du marché immobilier local.

A très long terme par contre, je pense que la question ne se pose pas tellement. La plus grosse compounding machine gagne (location). Au final, la grande différence réside dans le fait que si tu es locataire, tu peux investir ton argent avec les intérêts composés qui en découlent, alors que si tu deviens propriétaire tu immobilises une partie de ta fortune. Certes, l’immobilier prend également de la valeur avec le temps, mais cela reste moins intéressant que le rendement que tu peux obtenir en investissant. 

A noter que si l’on compare un locataire qui n’investit pas à un propriétaire, l’achat immobilier est gagnant à tous les coups!

J’espère que cet outil te sera utile, il te permettra de comparer les deux options et d’adapter le calculateur à ta situation.  Alors à toi d’entrer tes données dans le calculateur et de le laisser faire le reste, n’hésite pas à me faire parvenir le résultat par email ou dans la section commentaires!

N’oublie pas qu’il n’y a pas que des facteurs financiers qui entrent en ligne de compte dans ta décision, les facteurs psychologiques sont également très importants!

J’adore confronter mon point de vue à celui des autres, fais-moi savoir dans la section commentaires si j’ai oublié un aspect de la question ou simplement si tu es en désaccord avec mon analyse!

 


Comments ( 6 )

  1. Anonyme
    Hello, L'augmentation du loyer du locataire n'est pas pris en compte. Si le propriétaire passe d'un taux d'intérêt de 0.8 à 4, je pense qu'il faut aussi considéré une forte augmentation du loyer. De plus l'impôt sur le gain immobilier est cantonal à ma connaissance. Salutations
    • MrRoadToFIRE
      Bonjour, Merci de ton commentaire et de ta remarque. L'augmentation du loyer est pris en compte dans le modèle dans la cellule C31 (+1.25%/année). Si les taux hypothécaire remontent à 4% (scénario plausible au vu des 30 dernières années), je ne suis pas sur que l'augmentation du loyer suivrait dans une même mesure. Après la crise de 2009, les taux ont chuté mais ce n'était pas forcément le cas des loyers. Ce serait intéressant d'avoir un peu plus d'info sur le mécanisme des taux hypothécaires et des loyers ;) Merci!
  2. Adrian
    Salut, dans mon cas, mon entreprise offre souvent des prets immobiliers sans apportation propre. Peut-je avoir une grande oportunité si j'évite d'avancer les fonds propres, même si je vends quelques ans plus tard? Merci!
    • MrRoadToFIRE
      Bonjour Adrian, Les fonds propres vont déterminer le coût d'opportunité que tu aurais (à situation égale) en tant que locataire (=montant à investir). Donc oui, cela peut être très intéressant de profiter d'un prêt à 100% ;) En ce qui concerne une vente après quelques années, il y a selon moi deux facteurs importants à prendre en compte: l'imposition des gains immobiliers et les frais d'achat/de ventes. L'imposition des gains immobiliers est cantonale et pénalise ,dans certains cantons, la vente d'un bien immobilier après seulement quelques années (taux d'imposition dégressif dans le temps), à toi de voir si ton canton est avantageux ou pas. En ce qui concerne les frais d'achats/vente, ils te font perdre pas mal d'argent sur le court terme et dépendent également du canton sur lequel est situé le bien immobilier. A noter que par convention avec l'acheteur, tu peux mettre la plupart de ces frais à sa charge ;) Il y a un dernier aspect à prendre en compte qui est celui du taux hypothécaire. Quand le taux d'avance dépasse les 80%, certains instituts financier proposent des taux moins attractifs, j'espère que ton entreprise reste fair play :D Dans tous les cas, je trouve que l'endettement à 100% peut être très intéressant et te recommande d'analyser la faisabilité de la chose! Merci pour ton commentaire!
  3. Greg
    Hello, Merci pour cet article détaillé. Est-ce que tu inclus les frais de notaires lors de l'achat, qui dépendent du canton et peuvent atteindre 4.5% sur Vaud par exemple? Pour ton exercice avec les intérêts composés ça change beaucoup la donne, car presque 25% de fond propre (Mille excuse je ne les ai pas vu)
    • MrRoadToFIRE
      Hello Greg, Oui j'inclus les frais de notaire dans les frais de transaction (achat). J'approxime les coûts totaux d'achats à 5%, c'est réaliste dans la majeure partie des cantons suisses. Oui, l'impact des coûts de transactions est grand mais je l'ai effectivement déjà pris en compte (en C35 si jamais) ;) N'hésite pas à faire une copie de la GSheet et de l'adapter à ta situation personnelle. Merci de ton commentaire et à très vite!

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