Louer vs Acheter – les aspects non-financiers (1/2)
S’il y a une question dans l’univers de la finance personnelle qui déchaîne les passions c’est la suivante: “Est-ce qu’il vaut mieux louer ou acheter son logement ?”
Pour répondre à cette fameuse question, j’ai découpé ma réponse en deux parties: l’analyse psychologique et celle financière.
En effet, je pense que l’analyse purement psychologique ou financière de cette question ne rend pas justice à ce sujet ô combien il est complexe et émotionnel. Je te propose donc une réponse détaillée en deux parties, afin de bien pouvoir clouer le bec à tonton Bernard au prochain souper de famille.
Introduction
Dans la société, il règne le dogme qu’acheter vaut toujours mieux que louer.
C’est une croyance tellement ancrée chez certaines personnes que si l’on ose argumenter que la question n’est pas aussi simple et que la réponse n’est pas aussi claire, on se fait littéralement lyncher. #TrueStory #SouperAvecDesAmis 😉
La rengaine est toujours la même, “Quand tu es locataire tu paies pour quelqu’un d’autre, financièrement cela fait aucun sens !”
Et psychologiquement ?
C’est clair qu’en tant que geek financier j’aime trifouiller de la GSheet et analyser tous les facteurs de cette équation (Partie II). Mais la vie ne se résume pas à une suite de décisions financières rationnelles, les facteurs psychologiques et émotionnels ont au moins autant d’importance dans notre prise de décision, surtout lorsque l’on a une compagne ou un compagnon 😉
On peut résumer le choix de louer ou d’acheter à une série de trade-offs psychologiques qui consciemment ou inconsciemment guident notre décision. Étant donné la quantité d’argent que tu vas allouer à un achat immobilier, autant prendre un peu de temps et de recul vis-à-vis de ce choix.
Arme-toi de ton thé detox préféré et c’est parti!
Flexibilité vs stabilité
Locataire
Louer son logement apporte beaucoup de flexibilité. La location peut être résiliée “à tout moment”, avec un délai de préavis variable (3 mois à 1 an en règle générale).
On peut par contre trouver un repreneur solvable qui accepte de reprendre notre logement dans les plus brefs délais, et hop même plus besoin d’attendre le délai de préavis pour quitter les lieux. Si tu es chanceux, tu peux même quitter ton logement en quelques jours seulement!
Cette flexibilité représente un réel avantage si tu sais que ton lifestyle va changer au cours des prochaines années. Une opportunité professionnelle dans une autre ville ? Pas de problème, laisse moi juste le temps de trouver un repreneur solvable! La famille s’agrandit ? Je troque mon 3 pces pour un 4.5 pces.
Louer est également avantageux si tu souhaites garder toutes tes options professionnelles ouvertes d’un point de vue géographique. Doubler ton salaire en allant travailler à Genève ou à Zurich implique souvent un déménagement. Une opportunité à l’étranger ? Difficile de caser un bien immobilier dans ses bagages 😉
Propriétaire
Tout cela est quand même bien plus compliqué quand tu es propriétaire. Vendre son bien prend plusieurs mois voire années selon le marché local. De plus, les intérêts hypothécaires doivent être payés pendant tout le processus de vente.
À l’inverse, acheter son logement constitue un excellent moyen de s’ancrer sur le long terme à un endroit. Certes, l’achat immobilier n’apporte pas toute la flexibilité de la location, mais tu peux choisir où tu vas t’installer, qui tu vas côtoyer pour les 10 prochaines années, celui que tu salueras poliment en rentrant sans vraiment le connaître et pour qui tu te lèveras le samedi matin pour tailler la haie. Car oui, il n’y a rien de plus suisse que tailler sa haie à cause de la pression sociale!
En résumé, la démarche d’achat immobilier s’accompagne souvent du besoin de s’ancrer géographiquement à un endroit, de l’intention de faire partie d’une communauté ou de fonder une famille. Le Swiss dream quoi!
Acheter c’est privilégier une forme de sécurité géographique qui peut s’avérer très sécurisante et apaisante.
« Tel un arbre, le propriétaire s’enracine pour mieux fleurir. » – Mr.RTF Janvier 2021
Tranquillité d’esprit vs personnalisation
Locataire
Être locataire c’est accepter le fait que ce n’est pas nous qui décidons de l’aménagement de notre logement.
Tu souhaites casser un mur pour créer une cuisine ouverte ? Il te faut l’accord du bailleur. Tu trouves les équipements électroménagers de ton appartement trop vieux, tu restes à la seule merci de ton bailleur qui peut choisir de les remplacer ou non.
Par contre, si ton évier est cassé, il suffit de l’annoncer à ton bailleur et il doit le faire réparer. Tu as des infiltrations d’eau ? Un coup de fil à ton bailleur et la balle est dans son camp. Pas de stress de ton côté, ce n’est pas toi qui va devoir souffrir de l’impact financier des réparations/rénovations.
Propriétaire
En étant propriétaire, tu as le loisir de rénover, d’adapter ou de complètement transformer ton logement. Oui, tu auras enfin le droit à ce magnifique carrelage vert ou à ta borne de recharge pour ta Tesla Renault Zoé. À noter que personnaliser son logement, te coûte de l’argent et surtout du temps.
En cas de pépins, tu n’as pas l’occasion de déléguer la responsabilité de trouver une solution à quelqu’un d’autre. C’est toi qui doit investir ton temps et ton énergie à régler le problème. Si tu es bricoleur/-euse, cela peut être sympa mais j’imagine que c’est un peu moins drôle quand c’est ta toiture qui fuit…
Être propriétaire c’est aussi augmenter sa charge de paperasse. Tu auras beau être un As de la planification de travaux et faire baisser ta charge fiscale sur plusieurs années, chaque année tu passeras un peu plus de temps devant ta déclaration que ton ami locataire. Il faut renégocier son taux, être présent à la réunion de la PPE, etc…
Optionalité vs statut
Locataire
Louer c’est également garder toutes tes options ouvertes, que ce soit professionnellement ou du point de vue de ta gestion de fortune.
Le locataire jouit d’une plus grande flexibilité financière, si sa situation ne lui permet plus de vivre dans son logement, il peut facilement déménager et adapter ses dépenses de logement à son nouveau train de vie.
Au contraire, s’il est un féru de GSheet et qu’il épargne religieusement une partie de ses revenus chaque mois, il peut utiliser le pécule amassé pour investir et accélérer sa route jusqu’à la FIRE.
Par contre, passé un certain âge, tu t’apercevras que “locataire” est un statut dans la société. Et pour te la faire courte, c’est un peu le statut de « gueux »!
Propriétaire
La réussite financière ultime en Suisse selon la société (dont mes parents) c’est d’accéder à la propriété. La propriété est un peu le Saint-Graal de Madame et Monsieur Toutlemonde.
C’est the “Swiss dream”!
Vote, marie toi et obtiens un crédit hypothécaire sont les recettes suisses du bonheur 😉
Si tu es propriétaire, tu projettes l’image de quelqu’un qui a réussi sa vie, qui a pris les bonnes décisions et qui a un certain statut. Devenir propriétaire cela rend ses parents fiers !
Si l’on en croit le marketing des banques et des assurances, devenir propriétaire c’est faire “ce qu’il y a de mieux pour sa famille” et cela permettrait même de soigner le cancer. Bref, l’idée de devenir propriétaire c’est le rêve et l’objectif de beaucoup de monde.
Alors oui, je te l’accorde, je me moque un peu de cette vision, mais il ne faut pas négliger l’aspect psychologique de “réussir sa vie” selon les normes. Je sais que cela fait beaucoup de bien à certains de mes amis d’être bien perçus par les autres et je ne peux pas juger de leur recette du bonheur ! Qu’on le souhaite ou non, être propriétaire est un statut privilégié en Suisse et tout comme une Rolex, ce statut peut t’apporter la reconnaissance que tu recherches.
Danger vs Sécurité
Louer c’est prendre le risque de se faire jeter dehors à n’importe quel moment, pour peu que ton bailleur se soit levé du pied gauche !
Eh ben non, cela ne marche pas comme cela en Suisse, le droit du bail protège beaucoup le locataire (pour autant que tu paies ton loyer dans les délais). Je réfute donc cet argument populiste si répandu !
Oui mais tu peux te prendre une augmentation de loyer dans les dents à n’importe quel moment ! En étant propriétaire tu sais exactement ce que tu vas payer !
Les conditions pour les augmentations de loyer sont très bien réglementées et le caractère abusif des loyers peut être démontré relativement facilement. A nouveau, argument réfuté!
Oui mais en étant propriétaire tu sais exactement ce que tu vas payer !
Je te l’accorde, à la simple nuance de la durée de ton taux. Si tu arrives à prédire les taux hypothécaires futurs, quitte ton job et vas faire fortune sur les marchés financiers ! Les “experts” en immobilier disent bientôt depuis 10 ans que les taux vont monter… On attend toujours 😉
Tu as une seule certitude, si tu bloques ton taux sur 15 ans, c’est ce que tu vas payer pour les quinze prochaines années.
Conclusion - Questions à se poser
Plus qu’une simple décision financière (partie II), louer ou acheter son logement est une décision psychologique et émotionnelle.
Je pense qu’avant de se lancer dans un achat immobilier, il vaut la peine de se poser les questions suivantes:
- Quelles sont mes perspectives professionnelles et privées (par exemple un séjour à l'étranger ou le désir d'avoir des enfants), dans les cinq à huit années à venir ?
- Est-ce que je peux me permettre d'être propriétaire à long terme ou est-ce qu'une formation continue, une reconversion professionnelle ou un congé sabbatique sont prévus ?
- Est-ce que je souhaite vivre au même endroit pendant les huit prochaines années ou est-ce que j'ai besoin de flexibilité ou de changement ?
- Est-ce que je souhaite choisir un petit lopin de terre et m’y établir sur le long terme ?
- Est-ce que cela me rendrait heureux ?
- Est-ce que ma décision d’acheter mon logement est guidée par l’attente des autres ou par mon besoin de reconnaissance sociale ?
Comparatif
Locataire
- Flexibilité géographique
- Tranquillité d'esprit en cas de pépins
- Flexibilité financière
Propriétaire
- Stabilité / Ancrage
- Statut de winner
- Un taux bloqué = une mensualité connue
J’adore confronter mon point de vue à celui des autres, fais-moi savoir dans la section commentaires si j’ai oublié des aspects psychologiques de cette décision ou simplement si tu es en désaccord avec mon analyse!
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